Construite pour durer: Mario Botta et l’église de San Giovanni Battista
Verticale, minérale, géométrique, brute, viscérale, l’église San Giovanni Battista semble taillée dans la roche comme pour résister à une nature dévastatrice.
Située à Mogno dans le Tessin, à 1180 m d’altitude, la nouvelle église érigée par Mario Botta de 1992 à 1996, fut construite pour durer.
Durer face à la force de la nature, durer comme l’attache imperceptible et imprescriptible qui lie l’homme à la montagne.
La résistance du bâtiment préfigurera donc le cahier des charges.
En effet, le 25 avril 1986 a 7h15 du matin, une avalanche s’abat sur Mogno engloutissant une partie du village et détruisant la petite église d’alors datant de 1636.
Un comité est alors constitué pour la reconstruction de l’église qui est confiée à Mario Botta.
S’engage une bataille contre l’oubli.
La forme extérieure elliptique de l’église symbolise cette résistance mais également le lien spirituel entre l’homme et la montagne. C’est de ces contrastes, contraste de forme, de couleurs, de géométrie spatiale, que naît la force de l’édifice.
Le rectangle correspondant au plan du sol s’inscrit dans une ellipse qui s’élève pour former cercle incliné au niveau du toit. Ce dernier, véritable plafond de verre, est la seule source de lumière de l’édifice. Ce puit de lumière, s’intégrant dans la géométrie particulière du site, et se jouant de la spatialité intérieure toute en contraste de lignes et de courbes, crée ainsi un jeu d’ombres et de lumière propice au lieu et sa destination.
L’alternance du marbre blanc de Peccia et du granit de la vallée de la Maggia, travaillé dans le sens de la pierre, viennent faire écho à cette géométrie; renforce
une bichromie si caractéristique des églises romanes comasques, à l’instar et l’exclusion de tout autre décor.
La relative petite superficie de l’église (123m2) est compensée par sa hauteur de (8 à 17 m) qui tend à l’élévation, hauteur rythmée par les puissants arc-boutants synthétisant l’espace intérieur.
Espace qui nous permet d’accueillir nos émotions avec beaucoup de liberté.
Pour cet architecte qui a peur des vacances, tant il ne peut, ni ne veut s'arrêter de travailler, l’éventail de ses intérêts et de ses terrains d’action est très large.
Mais l’architecture sacrée est un fil rouge dans l’œuvre de Botta qui aura réalisé tout au long de sa carrière une quarantaine d’édifices religieux.
« J’ai découvert dans les valeurs de l’architecture sacrée, les valeurs de l’architecture elle-même » Mario Botta
Voilà une citation que ne contrediraient pas les bâtisseurs de cathédrales du 12ème siècle.
Solide, ancrée, majestueuse, l'église San Giovanni Batista demeurera un merveilleux témoignage de l’adaptabilité et de la résilience de l’homme face à la montagne, de l’homme face à l’immensité de la nature qui nous échappe si souvent.
Lorraine Aubert
(images: Mario Botta, DR)